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Les recruteurs préfèrent les hommes ( ! )

Force et pouvoir pour les hommes, douceur et maternage pour les femmes : les clichés ont la vie dure. Et s’il y a un monde dans lequel ce phénomène est clairement amplifié, c’est bien le monde du travail.

Les enquêtes nous montrent que 70% des employeurs du secteur privé disent préférer recruter des hommes*. Au final et si on parle de CDI, ce sont 59% d’hommes qui sont recrutés (soit 41% de femmes). Il y aurait des raisons à cela ? Posons-nous la question « Pourquoi ? »


1. Parce que les hommes ont de plus gros bras

Dans nos sociétés évoluées, le physique est un vecteur important qui joue sur la nature du poste à pourvoir. Reste ancrée dans nos petites têtes la certitude que les métiers où les contraintes physiques sont fortes ne sont pas faits pour les femmes. Certes, porter des sacs de ciment, faire fondre de l’acier à 1200° ou bien monter dans l’arbre récupérer le chat du voisin, ne sont pas tâches aisées.
Il apparaît donc que, à l’heure où le tertiaire représente 75% des emplois **, la force physique, la masse musculaire, la taille, etc. sont encore interprétés comme signes de vigueur et de capacité de travail.


2. Parce que les hommes ne font pas d’enfants

Enfin si, bien sûr, les hommes sont aussi des pères mais bizarrement, les employeurs ne leur demandent pas, à eux, comment ils organisent le mode de garde de leur progéniture…
Le modèle familial ancestral qui prône que « l’homme doit impérativement avoir un emploi, la femme peut toujours rester à la maison » montre qu’on n’a guère évolué sur la répartition des tâches. Ce n’est ni plus ni moins ce que nous expliquait l’éthologue Desmond Morris dans son best-seller « Le singe nu » (éditions Jonathan Cape, 1967) : à l’homme la chasse (il faut nourrir la famille et par là même affronter les dangers), à la femme la grotte (ranger la maison et élever les enfants). Morris a-t’il raison de dire qu’on est si proches des singes ?


3. Parce que les hommes aiment la vie nocturne

Non, on ne parle pas ici de boîtes de nuit mais plutôt d’horaires de travail. Parce qu’en France, on continue de croire que ce sont les salariés qui quittent tard leur lieu de travail qui sont les plus efficaces. Et force est de constater que ceux qui restent accrochés à leurs bureaux sont en majorité des hommes. Pourquoi ? Parce que les femmes, elles, elles sont déjà parties en courant dans les escaliers pour gérer la maison, les devoirs, les courses, la belle-maman…


4. Parce que les hommes négocient mieux leurs salaires

Ou plutôt « parce que les femmes coûtent moins cher ». On a beau reconnaître l’existence d’une discrimination salariale et du fameux « plafond de verre », l’objectif qui consiste à faire disparaître les écarts de rémunération devait être tenu en… 2010. Zut, on a encore du travail pour changer le taux qui correspond à 23,7% de moins sur la fiche de paie d’une femme par rapport à un homme.  ***


5. Parce que les hommes prennent les postes les plus qualifiés

Aujourd’hui, nous avons à faire face au développement de contrats de travail courts et précaires qui prennent de plus en plus le pas sur les CDI et à la progression des services à la personne (assistants maternels, personnels de ménage, aides à domicile, etc.). Ces changements favorisent un plus grand nombre d’emplois non qualifiés.
En France, selon le seuil de pauvreté adopté, un individu est considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 846 euros.

Or, ce sont les femmes qui occupent le plus les emplois les moins qualifiés, bien que le niveau d’éducation et de formation des femmes augmente chaque année***. Savez-vous que les emplois atypiques (intérim, CDD, contrats aidés, temps partiels…) sont occupés à 62% par des femmes*** ?

Alors attention à vous si êtes femme, jeune, sous-employée et seule…

La professeur et auteur Ann-Sophie De Pauw affirme que les recherches internationales sur le sujet suggèrent que les femmes peuvent être pénalisées au début de leur carrière à cause des stéréotypes associés à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Les préjugés voulant que les hommes soient plus productifs ou les préférences pour certains traits de personnalité jugés « masculins » tels que la domination, l’autonomie et la capacité de persuasion pouvant également expliquer en partie ces résultats.

La sociologue et chercheuse au CNRS Margaret Maruani fait un constat explicite de la féminisation du salariat dans son ouvrage « Travail et emploi des femmes » (éditions La Découverte) : « Les femmes ont conquis la liberté, il leur reste à obtenir l’égalité… / … Il faudrait un siècle, au rythme actuel, pour atteindre l’égalité des salaires ».

 

Vous l’aurez compris, la situation est grave pour l’emploi des femmes car les préjugés à combattre sont encore énormes.

En tant que chasseuse de têtes, je témoigne ici de ce que les employeurs, nos clients, nous disent (discours d’alcôve bien sûr, puisqu’ils ne sont pas censés exiger ce genre de critère) : ils sont globalement plus satisfaits du travail fourni par les femmes. Pourquoi ?
En fait, deux « vérités » au sujet des femmes au travail s’expriment le plus souvent.
L’une est négative : c’est le fait que les femmes sont plus difficiles à manager. Sont souvent évoquées les petites guerres intestines qu’il faut gérer. Quelle était l’expression déjà ? Ah oui : « comme des poules dans un poulailler ».
Mais cette contrainte est vite compensée par une 2e vérité, positive celle-ci. Les employeurs ont plus confiance avec les femmes et les reconnaissent plus efficaces. Habituées à jongler avec différentes missions (tiens donc, une récurrence du travail à la maison ?), plus impliquées que leurs confrères masculins (parce que entrainées à ce qu’on leur demande de faire leurs preuves, voire de rendre des comptes ?), plus corvéables (elles sont éduquées pour employer le « non » le moins possible), elles sont reconnues comme plus fiables et plus orientées résultats.
Dernier point et non des moindres car il s’agit là d’une grande différence avec les hommes : les femmes penseraient plus à faire bien le job qu’on leur confie qu’à embellir leur plan de carrière.


Alors que faire pour que les recruteurs préfèrent les femmes ?

C’est un changement des mentalités qui est à initier. Il nous faut transformer l’état d’esprit des recruteurs, des hommes, mais aussi… des femmes. En effet, par crainte de mesures de rétorsion ou de conflits, ou par atavisme, il est clair que les femmes rechignent à agir. Emmanuelle Boussard-Verrechia, avocate au barreau de Versailles (Semaine sociale Lamy), note 2 types de femmes « agissantes » :
– les femmes investies dans la représentation du personnel et qui se battent pour le collectif. Souvent employées ou techniciennes, elles ont de plus en plus le soutien des syndicats,
– les femmes surdiplômées qui croyaient être à l’abri, subissant la discrimination surtout du fait de leur maternité, et qui montrent dorénavant leur colère.

Francine Gomez, PDG de Waterman, résume ainsi la situation : « Pour réussir, une femme doit ressembler à une jeune fille, se comporter comme une dame, penser comme un homme et travailler comme un cheval  »
Les lois, les syndicats, les organismes et autres Halde œuvrent tous dans le même sens. Et c’est le « bon » sens. Cette métamorphose, que dis-je, cette mutation, doit être actée, dans nos vies professionnelles, par la mise en œuvre de mesures simples. Exemples :
– aménager les horaires (supprimer les réunions tardives serait un 1er point),
– former les décideurs pour mettre en œuvre la parité en mettant en œuvre des indicateurs,
– sensibiliser les managers aux situations discriminantes (voire récompenser, par exemple en notant leur capacité à les corriger),
– etc.

Gageons que l’adage disant que « les recruteurs préfèrent les hommes » est aussi peu darwinien que celui qui dit que « les hommes préfèrent les blondes » (sinon, vous l’avez compris, la sélection naturelle ferait qu’on ne trouverait que des blondes sur terre). Insurgeons-nous contre ce mode de pensée qui, sociologiquement parlant, est de toute façon remis en cause aussi bien dans la vie professionnelle que la vie personnelle.

Sources : *Dares, **Alternatives Economiques, ***Insee, ****OCDE, OFCE, Regionsjob, …
Article rédigé en 2011, mis à jour en 2018.

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