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Comment la pression de l’employabilité tue notre temps libre

Entre accélération du temps, insécurité généralisée, gamification du travail et digital labor, le culte de l’efficacité n’en finit plus de nous rendre accros à la notion d’employabilité.
la pression de l'employabilité

C’est le discours que nous tenons aux candidats (et surtout aux jeunes diplômés) depuis de nombreuses années : l’employabilité se travaille tout au long de son parcours professionnel et ce n’est pas parce que nous avons un job qu’il faut laisser tomber la formation, les réseaux professionnels et toute information inhérente à notre capital savoir.
Ce que nous oublions de dire c’est la pression, aussi temporelle qu’intellectuelle, dans laquelle cela nous place.

A lire, cet excellent article intitulé

Comment l’employabilité a-t’elle tué le temps libre ?

vu sur Internetactu.net.
Extrait :

« En plus de la tendance du travail à coloniser notre vie de tous les jours, les individus ont maintenant la responsabilité d’améliorer leurs perspectives professionnelles en acquérant de nouvelles compétences, en se faisant de nouveaux réseaux, en apprenant de nouvelles expériences de vie… L’incertitude du marché du travail, l’absence de sécurité de l’emploi ou l’amoindrissement des filets de sécurité en cas de période d’inactivité (notamment pour les travailleurs de l’économie des plateformes ou dans certains pays moins dotés en protections sociales) font que l’individu doit sans cesse travailler à son employabilité : regarder des séries en VO permet de travailler son anglais, faire un tour du monde en vélo montre que l’on est débrouillard et curieux, contribuer à Wikipédia, faire du bénévolat ou participer à un Hackathon fait toujours bien sur un CV. Cette expression (« ça fera bien sur mon CV ») a d’ailleurs été utilisée par un enfant de 12 ans à qui David Frayne avait demandé s’il avait apprécié assister à un programme contre le tabac. Ce qui lui fait dire que l’employabilité occupe même l’esprit des enfants… Dans un climat « d’insécurité généralisée » qu’évoquait le philosophe André Gorz, la culture de l’employabilité devient une réponse des individus à la précarité instituée.

« Lorsque le développement de l’employabilité est une nécessité pratique et une préoccupation permanente, nous nous consacrons alors de plus en plus à ce qui doit être fait, plutôt que d’avoir des activités qui ont intrinsèquement de la valeur, dans le sens où elles développent nos capacités personnelles, enrichissent nos amitiés, ou tout simplement parce que nous aimons les faire. » Pour appuyer cette idée, David Frayne fait référence aux travaux de la sociologue Colin Cremin (@colincremin) sur la figure imaginaire du futur employeur qui métaphoriquement regarderait toujours au-dessus de votre épaule. Ce « patron de tout » (the boss of it all) serait une projection des futurs employeurs et de leurs attentes, régulant l’ensemble des actions et des choix des personnes dans le présent, qui exige un travail constamment responsable, une prise de décision toujours rationnelle et une forte capacité à l’autogestion. Si une personne change trop souvent de boulots, ce patron va penser qu’elle est indécise, peu fiable ; et au contraire si elle reste trop longtemps au même poste, le « patron de tout » pourrait penser qu’elle est sans ambition, ce qui pourrait l’inciter à changer de travail au bout de 5 ans plutôt que de rester dans un travail dans lequel elle se sent bien. L’employabilité devient alors un « chemin tragique » qui entraîne les gens à mener « une guerre constante contre eux-mêmes », remettant en question la pertinence de leurs personnalités et de leurs réalisations au profit d’une figure de l’employé inoffensif et toujours disponible. En exigeant une « autosurveillance constante », l’employabilité finit de dissoudre les limites spatiales et temporelles du travail. »

 

L’article entier est à lire ici.

5 commentaires sur “Comment la pression de l’employabilité tue notre temps libre”

Yves Goulnik dit :

Pour une lecture critique de la notion d’accélération du temps, lire Accélération, un livre du sociologue et philosophe allemand Hartmut ROSA chez La Découverte (poche). Sur le jeu, dans mon expérience des multinationales, que ce soit startup ou mastodontes, aucune réunion d’importance ne se termine sans insister sur l’importance du « have fun »…

Blandine, Elaee dit :

@Yves Goulnik « Accélération. Critique sociale du temps » a été longtemps le livre de chevet de notre dirigeante et elle le recommande à chaque fois qu’elle le peut (elle aussi). Saine lecture en effet.
https://www.elaee.com/2016/02/04/24995-le-secteur-de-la-communication-bouge-etes-vous-prets

Yves Goulnik dit :

@Blandine, meeting of minds 😉 Dans l’article, j’ai également apprécié ce retour sur les modes « avoir » ou « être » d’apprendre et la tension utilitariste qui peut en résulter.

Céleste M. dit :

Très intéressant article sur une problématique dont les RH devraient s’emparer plus souvent.

Marielle dit :

Même les enfants ont la pression de l’employabilité mais ou va t’on ?

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