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Droit à la déconnexion : un sujet à faces multiples

Des salariés qui sont de plus en plus « connectés » en dehors des heures de bureau, une frontière entre vie professionnelle et personnelle qui devient ténue…
le casse tête de la déconnexion

Des constats sur la déconnexion qui se recoupent

Les nouvelles technologies ont bouleversé en peu de temps les fonctionnements professionnels au quotidien et notamment le temps passé à être connecté.
Qui n’a jamais, le soir, consulté, lu, voire répondu à un mail professionnel ? Qui n’a jamais répondu à un appel ou un SMS pro pendant le week-end ?

Toutes les enquêtes et études menées depuis 2014 ont abouti au même constat : un vrai phénomène d’hyper-connectivité des salariés et plus particulièrement des cadres.
Selon une enquête IFOP de 2014 pas moins de 62% des cadres avouent être dépendants de leur smartphone.

Une autre étude, menée par le cabinet Eléas en 2016, fait ressortir que 37% des actifs utilisent les outils numériques professionnels hors temps de travail.

Plus récemment, une enquête de l’Observatoire Entreprise et Santé a mis en relief que 57% des collaborateurs et 83% des dirigeants consultent leur messagerie pro ou répondent à des appels professionnels en-dehors des heures de travail.

Droit à la déconnexion : pourquoi et comment ?

C’est suite aux préconisations d’une étude portant sur l’impact du numérique sur le travail, remise en septembre 2015 à la Ministre du Travail, que l’instauration d’un droit à la déconnexion professionnelle a été portée par les Pouvoirs publics.
Dans les faits, c’est l’article 55 de la Loi Travail qui oblige, depuis janvier 2017, les entreprises de plus de 50 salariés à organiser l’usage des outils modernes de communication entre salariés et employeurs, et salariés entre eux, de manière à garantir la préservation de la vie privée.

Concrètement, cet article 55 oblige à négocier avec les partenaires sociaux, les modalités permettant à un salarié d’être protégé s’il a coupé son smartphone le soir ou le week-end.

C’est donc à l’employeur et aux représentants des salariés de se concerter pour définir une charte d’usage des outils numériques (messagerie électronique et réseaux sociaux notamment).

Une disposition discriminante pour les PME ?

La loi ne donne pas d’indication précise mais renvoie ainsi le droit à la déconnexion dans le champ des négociations en entreprise, selon les termes de l’article 2 de la Loi Travail.

On aura remarqué que seules les entreprises de 50 salariés ou plus sont visées par la loi.
Quid des nombreuses TPE, commerces indépendants et entreprises artisanales ? Les salariés des ces entreprises ne seraient donc pas hyper-connectés ? Pour le moment aucune voix ne s’élève pour l’évoquer.

Par ailleurs faut-il rappeler avec quelle virulence les organisations syndicales ont combattu le fameux article 2 de la Loi Travail, lequel instaure cette préséance des négociations d’entreprise.
Il n’est pas certain non plus que la majorité des PME dispose des compétences juridiques pour élaborer un tel outil de relations sociales.

Dans ce contexte pas étonnant que 45% des salariés sondés par une enquête Viavoice, déclarent ne pas savoir précisément en quoi consiste le droit à la déconnexion (près de 6 mois après son entrée en vigueur).

Et dans les grandes entreprises ?

Comme pour ajouter du grain à moudre à nos questionnements du paragraphe précédent, le site officiel travail-emploi.gouv.fr cite des exemples en s’appuyant sur les grandes entreprises :

« Concrètement, qu’est-ce que la déconnexion ? A titre d’exemple, les salariés d’une grande entreprise ne sont pas tenus de répondre aux mails en dehors des horaires de bureau ; une autre grande entreprise a mis en place un Mooc pour former les managers aux risques de la connexion permanente ainsi que des journées sans mails. Intégrer le droit à la déconnexion dans le code du travail c’est donc permettre aux entreprises de se saisir du sujet et de s’adapter aux nouveaux modes de travail. »

Pour combattre les effets pervers des nouvelles technologies certains prestataires proposent aux grandes entreprises des solutions technologiques.
Ainsi par exemple des applis permettent de bloquer l’usage du téléphone pro, ou encore des verrouillages système qui bloquent les mails professionnels sur certaines plages horaires.

En quelque sorte « soigner le mal par le mal » : 5,6% des entreprises qui appliquent le droit à la déconnexion déclarent avoir recours à ce type de dispositif.

Exemplarité et effet boomerang

Pour finir de présenter la complexité du problème, quels sont finalement les ressorts humains qui pourraient être mis en place ?

La première règle qui vient à l’esprit est bien entendu celle de l’exemplarité : des managers qui s’interdisent de contacter les salariés en-dehors des horaires de travail, sauf urgences (mais lesquelles ?).

La deuxième règle réside sans nul doute dans la sensibilisation et la communication envers les collaborateurs.
Selon des données récentes sur les entreprises qui ont pris en compte réellement le droit à la déconnexion, les solutions mises en place mixent les 2 pratiques. 31,5% ont diffusé une charte pour l’usage raisonné des outils informatiques et 11% s’appuient sur l’engagement de l’encadrement à ne pas contacter leurs collaborateurs sur certaines plages horaires (chiffres communiqués par un éditeur de solutions en software).

Reste à prendre en considération, ce que l’on pourrait appeler « l’effet boomerang ». Pour l’illustrer cette alerte lancée par une responsable d’un cabinet spécialisé dans la prévention des risques organisationnels et humains : « … après les temps de récupération, lorsqu’il reprendra le contrôle de ses outils hyper-connectés, le salarié trouvera toutes ces demandes « urgentes, importantes, immédiates », engendrant la plupart du temps un niveau de stress et de tension important ». 

Pour cette experte, la déconnexion n’a de bénéfice que « si les objectifs, clairs, peuvent être rediscutés au fil de l’eau et de manière informelle » et « si la charge de travail est réalisable dans les faits ».

 Voilà qui pose la complexité de ce nouveau droit à la déconnexion …  Et, au passage, qu’en pensent les générations Z, qui s’évertuent à « mixer » privé et pro ?

Pour approfondir la question :
Le droit à la déconnexion fait son entrée dans le code du travail – Site officiel Ministère du Travail – Mise à jour 10/05/2017
Transformation numérique et vie au travail – Sept 2015 – Rapport établi par Bruno METTLING à l’attention de Myriam El Khomri, Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social
La lente appropriation du droit à la déconnexion – 20/06/2107 – Les Echos

Pierre Fullenwarth – Rédacteur, contributeur Elaee

2 commentaires sur “Droit à la déconnexion : un sujet à faces multiples”

[…] d’entreprendre) et à être rentable. Les journées peuvent être longues, très longues. Et le droit à la déconnexion est évidemmenet plus facile à appliquer quand on est […]

[…] a été créé exprès pour vous. La seconde méthode consiste à mettre en place une forme de déconnexion numérique qui redonnera aux mails, sms, et autres réseaux sociaux d’entreprise ou pas, leur véritable […]

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