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Louer un ami, un concept et un business qui marchent
Chez Elaee, on vous a déjà proposé de « louer une personne plutôt qu’un bouquin ». L’idée de base qui est de communiquer avec les autres, vous le savez, nous tient à cœur. Du coup, on ne pouvait pas ne pas rebondir sur ce phénomène intrigant de la location d’amis. Dans notre monde hyperconnecté mais souvent solitaire
Sous-jacent mais bien présent : un besoin fondamental de communication, d’écoute, d’attentions sans engagement.
Entre innovations japonaises, micro-prestations occidentales et enjeux RH, ce phénomène dit beaucoup de ce que nous cherchons. A défaut de parfois le trouver.
Qu’est-ce que “l’ami à louer” ?
Le concept est simple (et à la fois radical) : pour un tarif horaire ou à la séance, on engage une personne qui va nous tenir compagnie.
Cela peut être marcher ensemble, aller au théâtre, converser, ou juste “être là”. Un site web comme RentAFriend (américain) recense déjà près de 50 000 profils, et propose tarifs horaires, disponibilités, et des témoignages d’utilisateurs.
En France, le site UrFriendly créé en 2023 annonçait un tarif de 20 euros de l’heure. Bizarrement, le site n’est plus accessible…
Au Japon, le modèle s’est sophistiqué : des agences embauchent des personnes pour jouer le rôle d’un membre de la famille ou d’un ami, selon la demande. Cela peut servir à soigner l’image sociale, éviter les questions embarrassantes, ou simplement fournir un apaisement relationnel. Par exemple, l’entreprise japonaise Family Romance joue ce rôle pour des journées entières.
Quand on sait que 35% des jeunes de 25 à 39 ans se sentent seuls d’après les chiffres de la Fondation de France (2025), on se dit pourquoi pas ? L’idée est bonne si elle permet de lutter contre l’isolement non ? OK, mais jusqu’où pouvons-nous monétiser ce qui appartient traditionnellement à l’intime ?
Le cas Morimoto : présence neutre, business concret
L’exemple le plus cité est Shoji Morimoto, un japonais qui a transformé le simple fait d’« être présent » en une offre monétisée qui marche extrêmement bien. Depuis le lancement de son activité, il aurait réalisé quelque 3 000 missions/clients.
Il facture 10 000 yens (75-80 € selon le contexte) par session, et peut rencontrer jusqu’à 4 clients par jour. Faites le calcul, ça fait des journées à + ou – 300 euros.
Son service, qu’il appelle “présence neutre”, ne consiste pas à fournir une prestation active : il s’agit de rester avec la personne, partager un moment — silence, conversation légère, écoute — selon les envies.
Morimoto incarne ce paradoxe fascinant : on paie quelqu’un pour ne rien “faire”, si ce n’est ce que la relation même exige parfois : être là, physiquement, simplement.
Implications RH & communication : des leçons pour l’entreprise
Si Morimoto parvient à monétiser ce qui semblait impalpable, qu’en est-il dans l’entreprise où les relations, la camaraderie, les pauses café, l’écoute mutuelle, sont “gratuites” ?
Est-ce que le travail relationnel que fait le collaborateur qui s’intéresse aux autres et renforce la cohésion (donc la motivation, donc l’engagement) est reconnu ?
Dans un contexte d’horaires éclatés, de mobilité professionnelle ou de télétravail, on connaît le risque d’isolement. Les RH réfléchissent à des dispositifs (binômes, mentors, temps dédiés d’échange) pour « vendre” de la relation interne, sans qu’elle soit marchande, mais consciente.
Pour parvenir à ce que la relation dans l’entreprise devienne un « actif » ?
Ce que propose Morimoto est explicitement défini : un ami loué n’est pas un thérapeute, ce n’est pas un manager, ce n’est pas un confident secret — juste une présence convenue.
Dans l’entreprise aussi, la clarté sur les rôles relationnels devrait être prônée : un collègue n’est pas un coach, un subordonné n’est pas un ami…
Monnayer la communication avec autrui
Louer un ami, c’est flirter avec une frontière troublante entre l’humain et le transactionnel. Et pourtant, ce modèle permet de mettre en lumière une vérité souvent oubliée : le besoin de communication, de reconnaissance, de lien est immense — Tous autant que nous sommes connaissons l’importance d’un moment partagé, d’une oreille attentive.
L’attention ou la présence de l’autre, à l’heure où nos enfants se noient dans leurs écrans, ne deviennent-elles pas si précieuses qu’il semble logique de voir naître de tels business ?
Sources : New York post, Cnews, Wedemain…
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